C’est bien joli ce Mékong mais lorsqu’on regarde sur la carte, en allant vers l’Est il y a des montagnes à proximité de la frontière avec le Vietnam. Allons voir comment c’est et changeons d’ambiance. Nous choisissons de mettre les vélos dans un minibus pour aller dans ces ‘montagnes’ à près de 200 km (je mets entre guillemets car nous allons être à moins de 1000 mètres d’altitude).
À la sortie de la ville de Kratie, le minibus est arrêté à 2 reprises par la police. À chaque fois, la femme qui s’occupe de la caisse du bus glisse un billet, bonjour la corruption. Après m’être renseigné il semblerait que la raison soit que le minibus était en surcharge et qu’ils ont glissé un billet pour éviter une amende, les policiers préférant le billet à l’amende, cette dernière ne leur rapportant rien personnellement. La corruption est un véritable fléau dans ce pays, elle entrave sérieusement le développement du pays. Il arrive que devant certaines administrations on voie un panneau « Say no to corruption » !
Arrivés à Sen Monorom, la ville principale de la province de Mondulkiri, nous sommes occupés à ‘remonter’ les vélos (redresser le guidon, remettre les sacoches, les rétroviseurs, les compteurs) et voilà qu’un gars nous demande si on a des amis ici ; pour éviter d’être importunés par quelqu’un qui essaie de nous vendre quelque chose (*) je réponds que oui mais en réalité nous ne connaissons personne ici. En fait, il se trouve que nous connaissons quelqu’un, le couple de taïwanais avec qui nous avons fait la sortie kayak sur le Mékong, et ils ont dit à ce gars que nous allions arriver, du coup avec nos 2 vélos il nous a tout de suite reconnus. Ça tombe bien, nous allons loger au même endroit que nos amis de voyage et passer ensemble de bonnes journées.
(*) En Asie, il arrive souvent que l’on soit sollicités pour une chose ou une autre, cela peut être importunant mais souvent l’information fournie ou le service rendu correspond à ce dont on a besoin à ce moment-là.
Donc, revenons à Sen Monorom, une chose nous surprend en arrivant : la température. Dans la journée il fait chaud mais le soir arrivé, il nous faut sortir les sweat-shirts (pour la première fois depuis notre arrivée en Asie du Sud-est mi-novembre). Qui plus est, il y a un vent assez fort. Du coup il faut se couvrir et en cherchant une chambre, là il faut s’assurer qu’il y a l’eau chaude.
Avec nos amis taïwanais, nous partons en trek pendant 2 jours accompagnés de 2 guides, un qui parle à peu près bien l’anglais et l’autre qui connait la région. Et nous voilà partis pour environ 8 heures de marche le 1er jour à travers forêts, collines, rivières, plantations de noix de cajou. Au bout d’une bonne demi-heure de marche, nous voilà arrivés dans une clairière, il y a une maison isolée avec le toit couvert de végétaux, des membres d’une minorité vivent là plutôt isolés du monde (même si on apprend que les enfants se rendent quand même à l'école quelques heures par jour). Nous observons le lieu et voilà que Pascale aperçoit, descendant une colline derrière la maison, un éléphant chevauché par son cornac, nous sommes tout excités. L’éléphant avance majestueusement en direction de la rivière, traverse celle-ci pour repartir sur l’autre rive, il doit être utilisé pour les travaux en forêt.
Durant la journée, nous nous arrêtons à 4 chutes d’eau, toutes différentes. À l’une d’elles, nous prenons le repas emmené dans le sac à dos d’un guide. Nous sommes loin de tout et l’atmosphère est vraiment super.
C’est peu avant le coucher du soleil que nous arrivons au village où nous allons dormir, cela fait une longue journée de marche. Comme il s’agit d’un village de minorité, je m’attendais à un village très traditionnel de style ‘tribu’ mais ce n’est pas le cas, il y a bien quelques habitations traditionnelles mais sinon les maisons ressemblent à celles des ‘Cambodgiens’, elles sont au bord d’une piste et il y a l’électricité. Notre logis sera dans une maison traditionnelle avec les courants d’air qui passent très largement et un confort plus que rustique. Bien sûr pas de douche, il n’y en a pas, et pas de toilettes non plus (c’est dans la nature, comme pour les habitants des lieux d’ailleurs). Il faut déjà demander des couvertures (par précaution) et aussi une 2ème moustiquaire car une seule ne suffit pas pour nous 4. On nous appelle pour le repas, dans une maison avec une lumière faiblarde, le feu est fait à même le sol dans la maison, ce qui fait que c’est enfumé. Les murs étant noircis et avec cette faible lumière, l’ambiance est très spéciale, c'est assez irréel. Il y a à manger du riz (vous l’auriez deviné, n’est-ce pas ?), des 'morning glory' et des aubergines cuites dans un tube de bambou, ainsi que du poisson (pas beaucoup) pour les Taïwanais.
Nous passerons une nuit vraiment terrible, nous avons mis des heures avant de nous endormir, il y avait un vent important toute la nuit (qui rentrait allègrement dans la cabane) et le froid s’est fait ressortir, je suis allé à 2 reprises pendant la nuit chercher des couvertures dans les maisons à côté ; en plus c’était inconfortable de dormir juste sur une plateforme en bambou, inclinée !, sans même un semblant de matelas. Ce qui me rassure, c’est que pour nous cela ne dure qu’une nuit alors que les habitants du village doivent vivre dans ces conditions difficiles toute leur vie (peut-être qu’ils ont l’habitude et que ça ne les dérange pas plus que cela).
On nous apporte un petit déjeuner. Pas de boisson, je demande s’il y a du café, on me dit que non, je demande du thé, on nous amène un genre de tisane plutôt infecte (en fait l’eau avait un goût de fumé du fait d’avoir été bouillie sur le feu de bois). Puis il est temps de partir pour la 2ème journée de trek, moins longue que la première. Après avoir traversé des espaces recouverts d’herbe jaunie, nous descendons dans une vallée à travers la forêt. Nous arrivons finalement au point d'eau où des éléphants doivent venir pour le bain. Au programme, nous devons nous occuper du bain des éléphants, j’avais lu cela sans trop réfléchir à ce que ça impliquait.
Après peut-être 2 heures d’attente au bord de la rivière, bien installés dans des cabanes sans murs et après avoir pris le repas, voilà qu’un éléphant arrive, puis un deuxième et finalement 5 au total. Quelques autres voyageurs sont là avec leurs guides. Les cornacs font aller leur animal dans la rivière et commencent à leur laver le dos et la tête. C’est alors que nous sommes invités à venir à l’eau pour nous occuper des bêtes. Je me retrouve sur le dos, ou plutôt la nuque, d’un éléphant et fait comme son cornac, installé plus à l’arrière sur le dos de l’animal, j’entreprends le ‘lavage’ du dos et du dessus de la tête de l’animal, c’est rigolo mais depuis l’endroit où j’étais placé je ne voyais pas où étaient ses yeux donc je devais faire attention de ne pas lui mettre la main dans les yeux. Je profitais pleinement de cet instant et voilà que l’éléphant commence à se lever, je me retourne et constate que le cornac n’est plus là mais, voyant l’éléphant se lever, il revient, monte sur son dos et le fait se rabaisser. Au bout d’un quart d’heure, peut-être plus (j’étais tellement heureux que je ne saurais dire le temps que je suis resté sur l’animal), voilà que les bêtes sortent de l’eau, je suis alors seul sur l’éléphant, il se lève et suit les autres pour sortir de la rivière, je suis bien en hauteur par rapport à l’eau et c’est impressionnant car je n’ai qu’une simple corde passée autour de son cou pour me tenir, la sortie sur la berge est l’occasion d’une belle sensation car il faut bien se tenir pour conserver l’équilibre. Hors de l’eau, le cornac rejoint son animal, le fait se baisser et il est temps pour moi de remettre les pieds sur terre, au sens propre comme au sens figuré. Je dois dire que j’ai vécu là un moment de pure magie et pense que rares sont les endroits dans le monde où l’on peut avoir le privilège de vivre une telle expérience. C’est ça le voyage, et j’ai envie de dire le côté super du voyage : après avoir passé une nuit terrible, j’ai pu vivre une expérience mémorable.
Nous approchons du Nouvel an chinois, on voit de nombreux 4x4 de gens venus de la ville passer quelques jours à la montagne. Notre guest-house en profite pour augmenter ses prix de près de 100 %, avec nos amis taïwanais nous décidons d’aller dormir ailleurs, à un endroit recommandé par d’autres voyageurs où ils n’augmentent pas leur prix.
Toujours avec nos amis taïwanais, un jour nous louons 2 scooters pour aller voir les plus grandes chutes d’eau du pays (Bousra) situées à environ 35 km de la ville. Nous manquons l’embranchement pour aller aux chutes d’eau et faisons quelques kilomètres dans la mauvaise direction, il faut dire que j’avais bien vu un panneau indiquant qu’il fallait prendre à droite à 1 km mais on a vu après que l’embranchement était en fait à moins de 200 mètres donc je pensais que ce n’était pas là. Pour voir la chute d’eau, il faut payer 2,5 $ (les Cambodgiens payent 10 fois moins). Nous restons là un bon moment et en profitons pour déguster une spécialité, de la banane cuite avec du riz sucré dans des feuilles de bananier sur un genre de barbecue.
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à une plantation de café puis allons voir des points de vue et c’est à l’un d’eux que nous contemplons le coucher du soleil. L’atmosphère est plutôt embrumée car ils ont la sale habitude, en cette saison sèche, de faire brûler la végétation mais également des tas de feuilles et de déchets plastique au bord des routes et autour des maisons.
Après Sen Monorom, nous prenons la direction de Banlung, encore plus au Nord-est du pays, c’est une région reculée que ne bénéficie d’une bonne route que depuis peu de temps. Là nous allons voir un très beau lac volcanique, presque rond et entouré d’une très belle forêt, dans lequel l’eau n’est jamais froide. C’est aussi depuis Banlung que l’on peut aller visiter le parc national de Virachey mais la seule façon de le voir est de faire un trek de plusieurs jours, nous décidons de ne pas enchaîner sur un 2ème trek.
Nous repartons vers l’Est et retrouvons le Mékong au niveau de la ville de Stung Treng, 2 nuits sur place et il est temps de faire les 60 derniers km avant d’atteindre le Laos. Bien que ce soit la route principale et je crois la seule route entre les 2 pays, elle est par endroits toute défoncée et par endroits ce n’est que de la piste, mais c’est tout à fait praticable en vélo.
Nous traversons à l’évidence une partie très pauvre du pays. À un moment, en bord de route, nous voyons des enfants ramasser des cailloux dans des sacs. Nous nous arrêtons pour voir ce qu’il en est. Un enseignant arrive et nous propose d’aller voir son école. En fait, ils ont construit une nouvelle salle de classe (avec 3 murs et un côté ouvert) et le sol est en terre, les enfants (non aidés d’adultes) ramassent des cailloux pour mettre sur le sol de cette salle de classe et ainsi ajouter un peu de ‘confort’. D’autres enfants débroussaillent les alentours, l’enseignant nous dit que c’est pour éviter les serpents. L’enseignant veut nous prendre en photo, il fait alors venir 3 des enfants et des photos sont prises, c’est Pascale qui remarque qu’il a choisi les 3 enfants les mieux habillés ! car beaucoup ont des habits sales et bien peu ont un uniforme scolaire.
Le paysage est plutôt désolé dans le coin (endroits déforestés, d’autres brulés, végétation bien sèche du fait de la saison, habitations clairsemées) et voilà que nos sens sont éveillés : dans une maison au bord de la route, qui doit faire office de magasin et de resto, il y a de la musique bien forte et des gens qui mangent et qui dansent (il est 10h du matin). Nous nous arrêtons pour observer la scène, bien vite une femme nous invite à nous mettre à table et voilà que 2 assiettes de riz nous sont amenées, riz sur lequel nous pouvons mettre ce que nous voulons des plats déjà installés sur la table. Nous ne parviendrons pas à savoir ce qui se fêtait ce jour-là car personne ne parlait anglais apparemment. Et difficile de discuter tellement la musique est forte (ils aiment la musique forte en Asie).
Assurément le Cambodge a voulu nous offrir de fortes émotions avant que nous quittions le pays.
Les vélos sont solidement attachés derrière le minibus, ils transportent même des mobylettes de cette façon.
Notre voisine jette tous ses déchets sur le sol du bus, elle a même jeté un sac en plastique à l’extérieur, juste dans le passage pour monter dans le bus ! Ils n’ont ici pas la même notion de la propreté que nous ! (ou plutôt ils n'en ont rien à faire)
Noix de cajou.
Début du trek, on voit nos amis Taïwanais ainsi que l’un des guides et bien sûr nous 2.
Voilà la maison isolée que j’évoquais dans le récit. Regardez bien, on peut voir l’éléphant qui descend de la colline derrière.
Traversée de la rivière.
Là, nous voyons les enfants de la maison ainsi que certains des animaux domestiques.
Il y avait bien un pont mais notre guide a dit que c’était payant, nous avons donc traversé la rivière à pied. Le lendemain, nous avons traversé ce pont et personne n’était là pour demander un quelconque paiement.
L’un des guides fabrique des verres en bambou pour nous 4.
Nous avons traversé une impressionnante forêt de bambou.
Les bâtons de marche, confectionnés par l’un des guides, sont très utiles à certains endroits.
C’est à côté de cette belle chute d’eau que nous avons déjeuné.
Une autre chute d’eau.
Au pied d’un magnifique arbre.
Là nous traversons une zone ‘ouverte’. Le guide transporte un morceau de bambou qu’il a coupé pour y faire cuire quelque chose sur le feu lors du dîner.
Parfois, les traversées de rivière sont ‘sportives’.
L’un des guides posé sur un champignon géant.
Alors que nous approchons du village où nous allons dormir, nous sommes aux côtés de femmes de la minorité qui rentrent du travail.
Le soleil est déjà bien bas mais nous sommes bientôt arrivés, enfin !
Voilà où nous allons dormir.
Notre cabane vue de l’extérieur, à gauche ce sont les maisons des habitants.
Dans la maison-cuisine, le feu est fait à même le sol et sans évacuation des fumées.
Les éléphants arrivent l’un après l’autre et se mettent à l’eau, ils doivent apprécier le moment du bain.
Je me sers de ma trompe pour boire et m’asperger.
Je lui frotte le dos avant de monter dessus.
Ma bête se lève déjà, le cornac va revenir pour le faire s’abaisser dans l’eau. L’amie Taïwanaise semble avoir des difficultés, couchée sur le dos de son éléphant.
L’heure est venue de sortir de l’eau, quelle chance d’être seul sur l’animal pour ce moment.
Je dois quand même bien me tenir pour ne pas tomber.
C’est en scooter que nous rejoindrons les chutes d’eau de Bousra, là il faut traverser une rivière…
… et ça passe plutôt bien.
Partie inférieure de la chute d’eau.
Partie supérieure de la chute d’eau.
Magasin ambulant très original, le ‘système’ de traction est un genre de gros motoculteur.
Le lac volcanique de Yaek Lom vers Banlung.
Coupe de cheveux pour 1,25 $. Pour ce prix j’ai même droit à un petit massage des épaules et du cuir chevelu.
Là, c’est un camion qui livre la glace.
Les écoliers ramassent des cailloux au bord de la route pour recouvrir le sol de leur nouvelle salle de classe.
La salle de classe en question.
La route pour le Laos ressemble par endroits à ça.
Et par endroits elle n’est que piste.
La douane côté cambodgien.